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LITTÉRATURE CHRÉTIENNE : EUSÈBE

Son entreprise apologétique commence par la Préparation à l’Évangile (Εὐαγγελιϰὴ προπαρασϰευή), en quinze livres. Eusèbe se propose d’y établir que la raison commandait impérieusement aux hommes de se détacher du paganisme : et, pour cela, il le passe en revue tout entier ; théologie phénicienne, égyptienne, hellénique, oracles, philosophie. Ses témoins sont les païens eux-mêmes, historiens, philosophes, moralistes, théologiens ; quant à lui, il ne fait guère qu’assembler les morceaux qu’il extrait de leurs ouvrages ; mais, tout en s’effaçant derrière eux, il poursuit sa démonstration, qui tend à prouver qu'ils n’ont pas vu la vérité ou qu’ils l’ont empruntée aux sources juives. Cette démonstration faite, la seconde partie de sa tâche commençait. Il l’avait accomplie dans la Démonstration de l’Évangile (Εὐαγγελιϰὴ ἀπόδειξις), en vingt livres, dont les dix derniers sont perdus. L’objet propre de l’ouvrage était de montrer l’accord des faits évangéliques avec les prophéties. Procédant toujours par extraits, il y groupait les textes prophétiques de l’Ancien Testament autour des grands faits de l’Évangile, avec lesquels il les croyait en relation. Et il résultait de la pour lui une évidence qui lui paraissait de nature à convaincre tous les hommes de bonne foi.

Si le dessein d’Eusèbe a en lui-même quelque chose d’imposant, et s’il atteste une véritable largeur de vues, il faut bien reconnaître qu’il pèche étrangement dans l’exécution, tant au point de vue littéraire qu’au point de vue critique. Ces immenses assemblages d’extraits tiennent plus de la compilation que de la démonstration. Ce qui est de l’auteur lui-même est écrit sans soin, avec un laisser aller qui sent l’improvisation. Puis, son érudition même est plus spécieuse que solide ; il prend de toutes mains, naïvement, les textes qui servent son dessein ; il n’a ni méthode, ni doutes, ni intui-