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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

de la raison et toutes les inspirations du cœur, cette disposition, foncièrement libérale, qui fait la grandeur du néoplatonisme et atteste si heureusement chez ses représentants la perpétuité de la belle tradition grecque, tout cela est en dehors de sa nature. Par sa tendance dominante, il procède plutôt du judaïsme orthodoxe. Au lieu d’étendre la croyance, de l’assouplir et de la varier, il la resserre et la raidit. Son effort tend à constituer une formule si arrêtée, si précise, qu’elle exclura désormais tout jeu de la pensée. La philosophie proprement dite ouvre des voies, lance le plus qu’elle peut l’intelligence vers l’inconnu ; Athanase, lui, vise à la captiver pour jamais, en fermant d’avance devant elle toutes les routes de la recherche. Ce n’est pas simplement un orthodoxe, c’est l’orthodoxe par excellence ; il a pour génie l’esprit même de l’orthodoxie.

Seulement, son orthodoxie n’est pas celle qui se borne à accepter le dogme, c’est celle qui le crée ; et voilà où se révèle sa puissance. Dès sa jeunesse, quand il écrit contre les Hellènes, la vigueur de sa pensée éclate. Il ne s’attarde pas, comme trop souvent les apologistes antérieurs, à des vues populaires et superficielles ; il va au fond des choses. Très au courant de la philosophie contemporaine, il sait fort bien que les Hellènes éclairés mettent sous les noms des dieux tout autre chose qu‘un polythéisme grossier, il ne méconnait pas qu’ils dégagent du monde visible une hiérarchie de forces divines, descendant par émanation de l’être absolu. Mais c’est justement ce qu’il leur reproche. Nourri de la Bible et de l’Évangile, épris au fond de simplicité, il ne veut pas de ces intermédiaires inutiles entre Dieu et l’homme ; sa logique et sa foi écartent ces chimères, qui d’ailleurs retiennent encore l’âme humaine dans le monde des sens ; il exige qu’elle aille droit au Dieu unique, de qui tout procède. Chose remarquable, ce logicien a un sens