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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

vons naturellement dans l’orateur. Athanase est un homme à la parole habile et forte, qui tend toujours à son but. Sans avoir la précision élégante des orateurs attiques, il les rappelle par sa préoccupation du fait à éclaircir ou de l’idée à démontrer. Sa langue est simple, saine, un peu monotone et médiocrement colorée, mais claire et apte à l’action. Par une discrétion louable, elle attire peu l’attention sur elle-même ; elle s’efface, elle est toute au service de la pensée.

Allons plus au fond : ce qui fait surtout la valeur des discours d’Athanase, c’est l’invention dialectique. L’Apologie à Constance, la Justification de sa fuite, le Discours apologétique contre les Ariens, révèlent un don remarquable de construire une démonstration ; l’art hellénique reparaît là tout entier, appliqué à des choses nouvelles. Si nous lisons ces discours en historiens, nous hésitons, comme d’ailleurs en écoutant les orateurs attiques ; nous avons le sentiment secret que tout s’arrange trop bien pour la thèse soutenue, qu’il a dû y avoir en réalité des choses embarrassantes qu’on ne nous dit pas, d’autres qu’on atténue ou qu’on exagère, que tout cela n’a pas été si simple, si droit, si dénué de violences et de politique. Mais cet art de raisonner avec les faits qu’on raconte, de les mettre en arguments sans qu’il y paraisse, de les assembler et de les colorer, de les expliquer et de les faire parler, surtout de les conduire méthodiquement à une conclusion qu’ils semblent imposer, n’est-ce pas justement ce qui constitue l’orateur ? Et puis, si cette éloquence est habile, cela ne veut pas dire qu’elle ne soit pas sincère. Sans doute, Athanase est loin de tenir le même langage sur Constance, lorsqu’il s’adresse à lui ou lorsqu’il parle de lui à ses amis. Dans un cas, il loue sa justice et sa pieté[1] ;

  1. Apologie à Constance, 32, p. 250 et 251.