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BASILE

voulaient alors rejeter toute littérature profane[1]. Or Basile, sans les combattre en face, travaille à ruiner leur influence. Comme ces ennemis de l’antiquité se plaçaient surtout au point de vue moral, il fait de même. Et il montre comment cette littérature profane, qu’on décrie, est pleine d’exemples, de préceptes, de faits historiques ou d’anecdotes, qui sont propres à élever l’âme, à l’instruire de ce qui est bien et beau, à la libérer de ses servitudes naturelles, en un mot à préparer l’Évangile. Cette démonstration, il la fait d’un ton affectueux et familier, comme un père qui parle à ses enfants, sans pédantisme, avec une abondance agréable de souvenirs, de citations et d’exemples, laissant aller sa pensée en une sorte de causerie caressante, où la gravité du prêtre se mêle à la bonne grâce de l’homme d’esprit.

Il a le même art de plaire et d’animer toute chose, mais avec plus de liberté, plus de force et de véritable éloquence, lorsqu’il traite des sujets moraux. Là encore, on peut être tenté souvent de trouver qu’il ne va pas assez au fond des choses, qu’il ne cherche pas assez à découvrir la racine secrète des vices qu’il censure, qu’il n’éclaire pas d’une lumière aussi vive qu’un Bossuet ou qu’un Bourdaloue les replis cachés du cœur. Son intuition est plus rapide que profonde. Mais, si l’on fait de telles réflexions, c’est après coup. En le lisant, on est charmé par la vivacité de son imagination, qui met en scène les hommes avec leurs vices, qui décrit, en satires spirituelles et graves, les mœurs du temps, qui multiplie les peintures frappantes et vivantes, sans grossir les choses outre mesure. Il ne semble pas se complaire aux exagérations faciles. Plus simple que Grégoire de Nazianze, plus modéré que Chrysostôme, il ne parle que

  1. Grég. de Naz., (Éloge fun. de S. Basile, p. 323, c Morell) dit, en parlant de l’instruction profane : Ἣν οἱ πολλοὶ Χριστιανῶν διαπτύουσιν, ὡς ἐπίβουλον καὶ σφαλερὰν καὶ Θεοῦ πόρρω βάλλουσαν, κακῶς εἰδότες.