Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/984

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
966
CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

roge, presse les hésitants, arrache des aveux. Son discours est plein de vie, tout en mouvement, parce que sa parole suit avec docilité les impulsions de son âme et parce que l’homme s’y laisse voir à découvert.

Cette trame de démonstration, l’imagination et le sentiment la pénètrent et la colorent. Il voit ce qu’il décrit et il le fait voir ; mais surtout, il s’y intéresse, il le prend à cœur. Un amour vraiment chrétien échauffe sa dialectique, un amour qui revêt mille formes selon les occasions : appel à la charité, pitié, inquiétude, zèle à consoler, à corriger, à éveiller les craintes efficaces, comme aussi à susciter les espérances, à ramener la paix dans les âmes troublées. Quand les circonstances y sont propices, cette parole toute vivante a des accents magnifiques : elle atteint la grandeur sans effort, parce qu’elle y monte sans calcul. Il est impossible de n’être pas touché, lorsqu’en présence d’Eutrope, son ennemi de la veille, maintenant humilié et proscrit, maintenant abattu au pied de l’autel qui protège seul sa vie, il médite, avec une gravité simple, sur la parole de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, et tout n’est que vanité ». Mais il est impossible aussi de n’être pas exalté, lorsque, composant le discours de l’évêque Flavien devant Théodose offensé, il commente, en interprète d’une puissance supérieure à celle des rois, cet avertissement tendre et sublime du maître : « Si vous êtes indulgents pour les autres, le Père qui est dans les cieux vous sera indulgent à vous-mêmes ». L’abondance naturelle de son discours enveloppe ces grandes pensées dans une draperie ample et magnifique, toute faite de sentiments vrais, sans vaine déclamation, sans pompe déplacée, sans emphase. La simplicité qui fait ressortir les grandes choses se retrouve là, presque au même degré que dans les œuvres classiques.

Toutefois, l’impression dernière que laisse l’éloquence