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DÉBUTS DE L’ÉPOPÉE HÉROÏQUE : HOMÈRE

naïfs, frémissant aux sons vibrants de la cithare, qui, de loin en loin, soutenait la déclamation, croyaient voir les scènes que la poésie évoquait. Des frissons de terreur, de colère, de pitié ou d’admiration passaient en eux à tout instant. À certains moments, ils interrompaient l’aède par des cris ; et celui-ci devait suspendre son récit pour laisser aux acclamations bruyantes le temps de s’apaiser. Mais il reprenait bientôt, excité par le dieu qu’il croyait sentir en lui, et il enchaînait ses narrations les unes aux autres, jusqu’à l’heure où la soirée prenait fin.

Les caractères les plus frappants de l’épopée grecque, tels que nous les ferons ressortir plus loin, résultent presque tous de son appropriation à ce milieu. Elle est religieuse, héroïque, aristocratique, comme le public pour lequel elle a été faite. Elle reflète ses idées, ses sentiments et ses goûts. En outre, — et il faut attirer l’attention sur ce point, — sa forme même a été déterminée par les conditions qu’on vient d’exposer.

5. Étendue des récits épiques. — Vue générale sur la formation des grandes épopées. — Les aèdes n’ont jamais composé pour être lus ; car, à supposer même qu’ils aient pu d’assez bonne heure aider leur mémoire par l’écriture, ce qui après tout n’est pas sûr, leur public, en tout cas, ne lisait pas. Leurs poèmes étaient faits pour être récités ; ils ont été nécessairement mesurés aux récitations. Cela détermine, tout au moins, leur étendue primitive.

Le type premier de l’épopée ionienne, c’est un morceau d’étendue médiocre, fait pour être récité en une soirée, après le repas. On peut, pour fixer les idées, en évaluer approximativement le développement à un minimum de 500 vers et à un maximum de 1.000.

C’est l’étendue des chants de l’Iliade et de l’Odyssée, de ceux du moins qui forment un tout. Il ne paraît pas douteux que les aèdes contemporains d’Homère n’aient composé le plus souvent des poèmes de cette mesure, car les