Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa leçon, et je serais revenu ici, me mettre dans la gueule du loup après avoir réglé la mise en scène de la déposition et, vous pensez bien, après lui avoir aussi recommandé de taire son nom véritable ! Cependant, avouez que votre flair se trouve en défaut. Voulez-vous me dire de quels faits probants vous étayez votre accusation, et pourquoi, alors que je pouvais si facilement gagner Kendall House, pourquoi serais-je revenu ici ! Allons, dites-le… je vous en défie !

— Vous avez tort de me défier, monsieur Weld, car ce n’est plus un avertissement que je vais donner à monsieur le juge d’instruction, ce n’est plus une supposition, mais un fait qui va vous accuser !

— Dites, dites, je vous défie encore de donner une raison de mon retour ici !

— Eh bien, je le dirai donc ! Vous êtes revenu ici chercher ces clefs oubliées par vous sur votre tiroir !

— Allons donc !

— Laissez-moi dire, puisque vous le voulez. Oui, un témoignage le prouve, celui de Jeffries, vous êtes rentré ici vers trois heures ; oui, vous étiez enfermé avec Jarvis à trois heures dix minutes, trois ou quatre minutes avant le crime, le témoignage de mistress Kendall, et celui plus accablant encore de votre fiancée, le prouvent ; Jarvis est tué, pourquoi ? Nous le saurons, soyez-en sûr, et la cause de sa mort sera peut-être, je le souhaite, une excuse pour vous ! Vous quittez alors subrepticement ce bureau, emportant l’arme du crime — probablement une preuve accablante contre vous. Vous avez bien, pour qu’on ne puisse pas vous soupçonner, pensé à laisser votre trousseau sur le meuble et à refermer le verrou de cette porte avec une troisième clef que seul vous possédez ; mais, une fois sorti, vous vous rappelez avec angoisse que Jeffries vous a vu — (car vous ne savez pas encore que ces dames vous ont entendu parler) — vous vous rendez compte que ces clefs oubliées sur votre bureau, Henderson vous les a vu emporter quand vous êtes parti d’ici à deux heures quarante ! Ces clefs sur votre bureau, c’est un nouveau témoignage de votre présence venant s’ajouter à celui de Jeffries, et le rendant irrécusable ; alors vous arrangez cette histoire incroyable d’auto, de panne, de vol dont vous vous dites victime, et vous venez de le dire, vous mettez en scène la déposition d’un homme qui n’est peut-être pas votre complice, mais dont vous avez certainement acheté le témoignage.

— Vous mentez !

— Alors vous mentez aussi, car je ne fais que répéter ce que vous venez de dire !

— Stockton, dit Suttner en intervenant.

— Excusez-moi, monsieur Suttner ; je n’aurais pas dû me laisser aller à exprimer ma pensée, et je vous en demande pardon. Ma méthode est fondée sur des faits, et non sur des suppositions. Les faits parlaient d’eux mêmes, je n’avais rien à ajouter !

Weld cherchait un argument à opposer à la logique de Stokton ; le chauffeur allait prendre la parole, sans doute pour protester contre le rôle qu’on lui attribuait quand Marius, qui n’avait pas cessé de réfléchir — un véritable supplice — l’arrêta :

— Pardon encore et toujours. Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais je m’en voudrais de ne pas vous faire juge de mes réflexions.

— Nous vous écoutons, répondit Suttner avec politesse.