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LE COFFRET DE SANTAL


Me craindre ?… Depuis que cet amour couve
En mon cœur, je n’ai même pas osé
Rêver votre bras sur le mien posé.

Qu’est-ce que je viens faire en votre vie,
Intrus désœuvré ? Voilà votre enfant
Qui joue à vos pieds et qui vous défend.

Aussi, j’ai compris, vous ayant suivie,
Ce qu’ont demandé vos yeux bleus et doux :
« Mon destin est fait, que me voulez-vous ? »

Mais, c’est bien assez, pour qu’en moi frissonne
L’ancien idéal et sa floraison
De vous voir passer sur mon horizon !

Car l’âme, à l’étroit dans votre personne,
Dépasse la chair et rayonne autour,
— Aurore où s’abreuve et croît mon amour.

Diamants tremblant aux bords des corolles,
Fleur des pêches, nacre, or des papillons
S’effacent pour peu que nous les froissions.

Ne craignez donc pas d’entreprises folles,
Car je resterai, si cela vous plaît,
Esclave lointain, inconnu, muet.