Page:Cros - Le Collier de griffes, 1908.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vraie amoureuse. Qu’il me suffise de mentionner en gros l’excès d’acide carbonique lors des nuits tumultueuses où la passion atteignait ses maxima d’intensité et d’expression numérique.

Des bandes de papier de tournesol habilement distribuées dans les doublures de ses vêtements m’ont révélé la réaction constamment très acide de la sueur. Puis les jours suivants, puis les nuits suivantes, que de nombres à enregistrer sur l’équivalent mécanique des contractions nerveuses, sur la quantité de larmes sécrétées, sur la composition de la salive, sur l’hygroscopie variable des cheveux, sur la tension des sanglots inquiets et des soupirs de volupté !

Les résultats du compteur pour baisers sont particulièrement curieux. L’instrument, qui est de mon invention, n’est pas plus gros que ces appareils que les bateleurs se mettent dans la bouche pour faire parler Polichinelle, et qu’on désigne sous le nom de pratique. Dès que le dialogue devenait tendre et que la situation s’annonçait comme opportune, je mettais, en cachette, bien entendu, l’appareil monté entre mes dents.

J’avais eu jusque-là assez de dédain pour ces expressions de « mille baisers » qu’on met à la fin des billets amoureux. Ce sont, me disais-je, des hyperboles passées dans la langue vulgaire, d’après certains poètes de mauvais goût, comme Jean Second, par exemple. Eh bien, je suis heureux d’apporter une vérification expérimentale à ces formules instinctives que