Page:Cros - Le Collier de griffes, 1908.djvu/222

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qu’elle n’était pas belle. Son visage est défraîchi par les soucis mondains, les fatigues de solliciteuse, les cosmétiques malhabilement employés ; ses lèvres sont fanées et gercées par les fièvres folles. Et la plupart des choses qu’elle fait et dit, m’ont toujours irrité à n’y pas tenir, puisque ce sont autant de représentations, de redites, de ce qu’elle a lu dans les volumes loués, vu au théâtre ou chez les gens connus où sa vanité la fait courir sans choix.

Donc, peu de voluptés entre nous ; souvent des querelles. Mais, à de délicieux instants, nous nous regardions dans les yeux, contemplant nos âmes.

Au commencement, elle a eu tort de me faire quitter ma maîtresse ; à la fin, j’ai eu tort en me montrant jaloux de sa chair. Mais l’indépendance en cela n’est qu’un rêve.

Maintenant la situation est triste, très triste. Sans compter les souffrances effroyables que j’ai subies depuis le dernier jour jusqu’à un temps qui n’est pas loin, chaque fois que nous nous voyons nous sommes dans un douloureux mensonge. Elle vit avec les indifférents, parle gaiement de toutes choses à celui-ci, à celui-là. Moi, je fais de même, je tache de secouer ma stupeur on prenant, pour objectif d’agitation et de gaieté, telle femme que je ne devrais même pas voir devant elle.

Mais comme nous avons été l’un à l’autre, c’est très rarement et d’une manière gênée que nous nous parlons. Notre voix prend de fausses âcretés car le ton