Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/433

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décrite ne convient pas non plus pour l’étude de la charge des rayons du polonium, ces rayons étant également très peu pénétrants. Nous n’avons observé aucun indice de charge avec du polonium, qui émet seulement des rayons non déviables, mais, pour la raison qui précède, on ne peut tirer de cette expérience aucune conclusion.

Ainsi, dans le cas des rayons déviables du radium, comme dans le cas des rayons cathodiques, les rayons transportent de l’électricité. Or, jusqu’ici on n’a jamais reconnu l’existence de charges électriques non liées à la matière. On est donc amené à se servir, dans l’étude de l’émission des rayons déviables du radium, de la même théorie que celle actuellement en usage dans l’étude des rayons cathodiques. Dans cette théorie balistique, qui a été formulée par Sir W. Crookes, puis développée et complétée par M. J.-J. Thomson, les rayons cathodiques sont constitués par des particules matérielles extrêmement ténues qui sont lancées par la cathode avec une très grande vitesse et qui sont chargées d’électricité négative. On peut de même concevoir que le radium envoie dans l’espace des particules matérielles chargées négativement.

Un échantillon de radium qui serait isolé électriquement d’une façon parfaite se chargerait spontanément en peu de temps à un potentiel extraordinairement élevé. Dans l’hypothèse balistique, le potentiel augmenterait jusqu’à ce que la différence de potentiel avec les conducteurs environnants devînt suffisante pour empêcher l’éloignement des particules électrisées émises et amener leur retour à la source radiante.

Si le radium rayonne de la matière pondérable, il doit éprouver une perte de masse. Si le rapport de la charge électrique à la masse était le même que dans l’électrolyse, le radium, dans notre expérience, perdrait trois équivalents en milligrammes en un million d’années. Cette perte ne pourrait être appréciée à la balance.

Radioactivité induite. — Nous avons trouvé que toute substance placée dans le voisinage du radium acquiert elle-même une radioactivité qui peut persister pendant plusieurs heures et même plusieurs jours après l’éloignement du radium. Le même effet a été observé bien plus faible avec le polonium[1].

  1. Curie, Comptes rendus, t. CXXIX, nov. 1899, p. 714.