Page:Curie - Pierre Curie, 1924.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
L’ÉCOLE DE PHYSIQUE

Sa réserve et sa timidité faisaient qu’il ne se liait pas facilement, mais ceux que leurs fonctions rapprochaient de lui l’aimaient en raison de sa bienveillance. Tel a été pendant toute sa vie le cas de ses subordonnés. À l’Ecole, le garçon de laboratoire de son service, qu’il avait eu l’occasion d’aider dans une circonstance difficile de sa vie, avait pour lui une grande reconnaissance et un véritable culte.

Quoique séparé de son frère, il entretenait avec celui-ci l’ancien lien d’amitié et de confiance. Pendant les vacances, Jacques Curie venait le trouver pour reprendre la bonne collaboration à laquelle tous deux sacrifiaient ces périodes de liberté. Parfois aussi, c’était Pierre qui allait retrouver Jacques, occupé d’un travail de cartographie géologique en Auvergne, et faisait avec lui les étapes de marche journalière que demande le tracé de la carte.

Voici quelques souvenirs d’une de ces randonnées, extraits d’une lettre qu’il m’adressait peu avant notre mariage :

« J’ai été très heureux de passer quelque temps avec mon frère. Nous étions loin de tout souci immédiat, et tellement isolés par notre genre de vie, que nous ne pouvions même pas recevoir une lettre, ne sachant pas chaque jour où nous coucherions le lendemain. Par moments, il me semblait être revenu à l’époque où nous vivions toujours ensemble. Nous en étions alors arrivés à avoir, sur toutes choses, les mêmes opinions ; à ce point que, pensant de même, il ne nous était plus nécessaire de parler pour nous comprendre. Cela était d’autant plus étonnant que nous avons des caractères entièrement différents ».