Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/150

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Mais pour éprouver le charme de ces illusions, il faut venir de loin. La nature n’a tout son prix qu’aux yeux des étrangers civilisés ; les rustiques indigènes ne jouissent pas comme nous du monde qui les environne : un des plus grands bienfaits de la société, c’est qu’elle révèle aux habitants des villes toutes les beautés des champs ; c’est la civilisation qui m’apprend à me plaire dans des contrées destinées par la nature à nous conserver l’image de la vie primitive ; je fuis les salons, les conversations, les bonnes auberges, les routes faciles, enfin tout ce qui pique la curiosité, tout ce qui excite l’admiration des hommes nés dans des sociétés à demi barbares, et malgré mon aversion pour la mer, je m’embarque demain sur un vaisseau dont je brave avec joie toutes les incommodités, pourvu qu’il me porte vers des déserts et des steppes… des steppes ! ce nom oriental me fait pressentir à lui seul une nature inconnue et merveilleuse ; il réveille en moi un désir qui me tient lieu de jeunesse, de courage, et qui me rappelle que je ne suis venu en ce monde qu’à condition de voyager : telle est la fatalité de ma nature. Mais faut-il vous l’avouer ? peut-être n’aurais-je jamais entrepris ce voyage s’il n’y avait pas de steppes en Russie. Je crains vraiment d’être trop jeune pour le siècle et le pays où nous vivons !…..

Ma voiture est déjà sur le paquebot ; c’est, disent