Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/388

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où il n’y a pas de nation. La première fois qu’il y aura presse à Pétersbourg, on s’y écrasera ; dans une société arrangée comme l’est celle-ci, la foule, ce serait la révolution.

Le vide qui règne ici partout fait paraître les monuments trop petits pour les lieux ; ils se perdent dans l’immensité. La colonne d’Alexandre passe pour être plus haute que celle de la place Vendôme à cause des dimensions de son piédestal ; le fût est d’un seul morceau de granit, et c’est le plus grand de tous ceux qui aient jamais été travaillés de main d’homme. Eh bien ! cette immense colonne élevée entre le palais d’hiver et le demi-cercle de bâtiments qui termine une des extrémités de la place, fait à l’œil l’effet d’un pieu, et les maisons qui bordent cette place semblent si plates et si basses qu’elles ont l’air d’une palissade. Figurez-vous une enceinte où cent mille hommes manœuvreraient sans la remplir et sans qu’elle parût peuplée : rien n’y peut rester grand. Cette place ou plutôt ce Champ de Mars russe est fermée par le palais d’hiver dont les façades viennent d’être rebâties sur les plans de l’ancien palais de l’Impératrice Élisabeth. Celui-ci, du moins, repose les yeux des roides et mesquines imitations de tant de monuments d’Athènes et de Rome : il est dans le goût de la régence, c’est du Louis XIV dégénéré, mais très grand. Le côté de la place opposé au palais d’hiver