Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/113

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est un camp un peu plus stable et plus pacifique qu’un bivouac.

On compte peu de cafés dans Pétersbourg ; il n’y a point de bals publics autorisés dans l’intérieur de la ville ; les promenades ne sont guère fréquentées et on les parcourt avec une gravité peu réjouissante. Néanmoins le séjour de Pétersbourg serait tout à fait agréable pour un voyageur du grand monde qui croirait aux paroles et qui aurait en même temps du caractère. Mais il en faudrait beaucoup afin de refuser les fêtes et de renoncer aux dîners, véritables fléaux de la société russe, et l’on peut dire de toutes les sociétés où sont admis les étrangers, et d’où par conséquent l’intimité est bannie.

Je n’ai accepté ici que bien peu d’invitations chez les particuliers : j’étais surtout curieux des solennités de cour ; mais j’en ai assez vu ; on se blase vite sur des merveilles où le cœur n’a rien à sentir. Si l’on était amoureux, on pourrait se résigner à suivre au palais une femme qu’on aimerait, tout en maudissant le sort qui l’attache à une société uniquement animée par l’ambition, la peur et la vanité. On a beau dire que le grand monde est le même partout ; la Russie est aujourd’hui le pays de l’Europe où les intrigues de cour tiennent le plus de place dans l’existence de chaque individu.


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