Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/166

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des habits de leur charge ; tout le monde attendait l’Empereur au lieu du rendez-vous. Le désir de se montrer zélé animait cette foule brodée : chacun était allègre comme si les magnificences et les fatigues de la nuit n’avaient pesé que sur moi. Je rougis de ma paresse, et je sentis que je n’étais pas né pour faire un bon courtisan russe. La chaîne a beau être dorée, elle ne m’en paraît pas plus légère.

Je n’eus que le temps de percer la foule avant l’arrivée de l’Impératrice, et je n’avais pas encore atteint ma place, que l’Empereur parcourait déjà les rangs de ses officiers enfants, tandis que l’Impératrice, si fatiguée la veille, l’attendait dans une calèche au milieu de la place. Je souffrais pour elle : cependant l’abattement qui m’avait frappé le jour d’auparavant avait disparu. Ma pitié se concentra donc sur moi-même qui me sentais harassé pour tout le monde, et qui voyais avec envie les plus vieilles gens de la cour porter légèrement un fardeau qui m’accablait. L’ambition est ici la condition de la vie ; sans cette dose d’activité factice, on serait toujours morne et triste.

La voix de l’Empereur commandait l’exercice aux élèves ; après quelques manœuvres parfaitement exécutées, Sa Majesté parut satisfaite : elle prit par la main un des plus jeunes cadets qu’elle venait de faire sortir des rangs, le mena elle-même à l’Impératrice à