Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/173

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J’étais là depuis deux minutes à peine, lorsque je vis venir à moi l’Impératrice toute seule, qui descendait rapidement les degrés du perron. Sa taille élevée et svelte a une grâce singulière ; sa démarche est vive, légère et pourtant noble ; elle a certains mouvements des bras et des mains, certaines attitudes, certain tour de tête qu’on ne peut oublier. Elle était vêtue de blanc ; son visage, entouré d’une capote blanche, paraissait reposé ; ses yeux avaient l’expression de la mélancolie, de la douceur et du calme ; un voile relevé avec grâce encadrait son visage ; une écharpe transparente se drapait autour de ses épaules et complétait le costume du matin le plus élégant. Jamais elle m’avait paru si à son avantage : à cet aspect les sinistres présages du bal se dissipèrent entièrement, l’Impératrice me parut ressuscitée, et j’éprouvai l’espèce de sécurité qui renaît avec le jour après une nuit agitée. Il faut, pensai-je, que Sa Majesté soit plus forte que moi, pour avoir supporté la fête d’avant-hier, la revue et le cercle d’hier, et pour se lever aujourd’hui brillante comme je la vois.

« J’ai abrégé ma promenade, me dit-elle, parce que je savais que vous étiez ici.

— Ah ! Madame, j’étais loin de m’attendre à tant de bonté.

— Je n’avais rien dit de mon projet à madame*** qui vient de me gronder d’être venue vous surpren-