Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/174

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dre ; elle prétend que je vous dérange dans votre examen. Vous voulez donc venir ici pour deviner nos secrets ?

— Je le voudrais bien, Madame ; on ne peut que gagner à pénétrer la pensée des personnes qui savent si bien choisir entre le faste et l’élégance.

— Le séjour de Péterhoff m’est insupportable, et c’est pour me reposer les yeux de cette dorure massive que j’ai demandé une chaumière à l’Empereur. Je n’ai jamais été si heureuse que dans cette maison ; mais maintenant que voilà une de mes filles mariée, et que mes fils font leurs études ailleurs, elle est devenue trop grande pour nous. »

Je souris sans répondre ; j’étais sous le charme : il me parut que cette femme, si différente de celle en l’honneur de qui s’était donnée la somptueuse fête de la veille, devait avoir partagé toutes mes impressions ; elle a senti comme moi, me disais-je, la fatigue, le vide, elle a jugé l’éclat menteur de cette magnificence commandée, et maintenant elle sent aussi qu’elle est digne de quelque chose de mieux. Je comparais les fleurs du cottage aux lustres du palais, le soleil d’une belle matinée aux feux d’une nuit de cérémonies, le silence d’une délicieuse retraite au tumulte de la foule dans un palais, la fête de la nature à la fête de la cour, la femme à l’Impératrice, et j’étais enchanté du bon goût et de l’esprit avec lesquels