Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/217

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tiges d’une fausse grandeur. C’est en ramenant d’abord un peuple à son caractère primitif qu’on le rend capable et digne de la vraie civilisation sans laquelle une nation ne saurait travailler pour la postérité ; pour qu’un peuple produise tout ce qu’il peut produire, il ne s’agit pas de lui faire copier les étrangers, il faut développer, sans le contrarier, le génie national. Ce qui dans ce monde approche le plus de la Divinité, c’est la nature. La nature jusqu’à présent contrariée chez les Russes, appelle peut-être ces hommes aux grandes choses, tandis que, depuis leur soi-disant civilisation, on les occupait à des minuties : l’Empereur Nicolas a compris leur vocation mieux que ses devanciers, et sous ce règne tout s’est agrandi par un retour à la vérité.

Une colonne domine Pétersbourg : c’est le plus grand morceau de granit qui ait été taillé de main d’homme, sans excepter les monuments égyptiens. Un jour, soixante-dix mille soldats, la cour, la ville et une partie de la campagne affluèrent sans se gêner, sans se fouler, sur la place du palais Impérial pour assister dans un silence religieux à la miraculeuse érection de ce monument conçu, exécuté, mis en place par un Français, M. de Montferrand ; car les Français sont encore nécessaires aux Russes. Des machines prodigieuses fonctionnent avec succès ; les mécaniques animent la pierre, et au moment où la