Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/218

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colonne, sortant de ses entraves, se lève comme vivant de sa propre vie et semble se mouvoir d’elle même, l’armée, la foule, l’Empereur lui-même, tombent à genoux pour remercier Dieu d’un tel mi racle et le louer des grandes choses qu’il leur permet d’accomplir. Voilà ce que j’appelle une fête nationale : ceci n’est pas une flatterie qu’on pourrait prendre pour une satire, comme la mascarade de Péterhoff ; ce n’est point un tableau de genre, c’est un tableau d’histoire et du plus haut style. Le grand, le petit, le mauvais, le sublime, tous les contraires entrent dans la constitution de ce singulier pays, le silence perpétue le prodige et empêche la machine de se briser.

L’Empereur Nicolas étend la réforme jusque sur le langage des personnes qui l’entourent ; il exige qu’on parle russe à sa cour. La plupart des femmes du monde, surtout de celles qui sont nées à Saint-Pétersbourg, ignorent leur langue nationale : mais elles apprennent quelques phrases de russe qu’elles débitent pour obéir à l’Empereur, lorsqu’il vient à passer dans les salles du palais où leur service les retient ; l’une d’elles est toujours de garde pour annoncer à temps par un signe convenu l’approche du maître : aussitôt les conversations françaises cessent et les phrases russes destinées à flatter l’oreille Impériale, retentissent dans le palais ; le souverain s’applaudit de voir jusqu’où s’étend son pouvoir de réfor-