Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/237

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plaudit l’auteur des Essais que nous avons dû le talent le plus naïf et le plus national de notre ancienne littérature ; il avait sujet de se réjouir, car le latin est la racine de notre langue ; mais la netteté, la spontanéité de l’expression se perd chez un peuple qui ne respecte pas l’idiome de ses pères ; nos enfants parlent anglais comme nos gens portent de la poudre : par l’effet d’une manie ! Je suis persuadé que le peu d’originalité des littératures slaves modernes tient à l’habitude qu’ont prise les Russes et les Polonais pendant le xviiie siècle et depuis, d’introduire dans leurs familles des gouvernantes et des précepteurs étrangers ; quand ils reviennent à leur langue, les Russes bien élevés traduisent, et ce style d’emprunt arrête l’élan de la pensée en détruisant la simplicité de l’expression.

Pourquoi les Chinois ont-ils jusqu’ici fait plus pour le genre humain en littérature, en philosophie, en morale, en législation, que n’ont fait les Russes ? C’est peut-être parce que ces hommes n’ont cessé de professer un grand amour pour leur idiome primitif.

La confusion des langues ne nuit pas aux esprits médiocres, au contraire, elle les sert dans leurs industries ; l’instruction superficielle, la seule qui convienne à ces esprits-là, est facilitée par l’étude également superficielle des langues vivantes, étude légère ou plutôt jeu d’esprit parfaitement approprié aux