Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/253

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Son esprit conciliateur lui attirait souvent les réprimandes de son père ; mais la certitude d’avoir fait quelque bien ou empêché quelque mal la dédommageait de tout. Dans un pays où en général les femmes ont peu d’influence[1], elle exerçait un pouvoir que nul homme du canton n’eût pu lui disputer : le pouvoir de la raison sur des esprits bruts.

Son père même, tout violent qu’il était par nature et par habitude, ressentait l’influence de cette âme bienfaisante ; il rougissait trop souvent de se voir arrêté dans l’explosion de sa colère par la crainte de faire quelque peine à Xenie, et comme un prince tyrannique se reprocherait la clémence, il s’accusait d’être trop débonnaire. Il s’était fait une vertu de ses emportements qu’il qualifiait de justice, mais que les serfs du prince*** nommaient d’un autre nom.

Le père et la fille habitaient le château de Vologda situé dans une plaine d’une étendue immense, mais d’un aspect assez pastoral pour la Russie.

Le château est bâti au bord d’un lac qui l’entoure de trois côtés. Ce lac aux rives plates communique avec le Volga par des émissaires dont le cours peu rapide et divisé en plusieurs bras n’est pas long. Ces ruisseaux tortueux coulent encaissés dans le vaste

  1. On sait qu’avant le xviiie siècle, les femmes russes vivaient pour ainsi dire cloitrées.