Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/264

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Xenie se tut, effrayée de l’expression religieuse, mais un peu farouche de ce regard, habituellement baissé ; il avait quelque chose d’inquiétant qui contrastait avec la douceur de la voix, des paroles et des gestes du jeune homme.

Xenie était une de ces beautés du Nord telles qu’on n’en voit en aucun autre pays : à peine semblait-elle appartenir à la terre : la pureté de ses traits, qui rappelait Raphaël, eût paru froideur si la sensibilité la plus délicate n’eût doucement nuancé sa physionomie, que nulle passion ne troublait encore. À vingt ans qu’elle avait ce jour-là même, elle ignorait ce qui agite le cœur : elle était grande et mince ; sa taille, un peu frêle, avait une grâce singulière, quoique la lenteur habituelle de ses mouvements en cachât la souplesse : à la voir effleurer l’herbe encore blanche de rosée, on eût dit du dernier rayon de la lune fuyant devant l’aurore sur le lac immobile. Sa langueur avait un charme qui n’appartient qu’aux femmes de son pays, plutôt belles que jolies, mais parfaitement belles quand elles le sont, ce qui est rare parmi celles d’une classe inférieure ; car, en Russie, il y a de l’aristocratie dans la beauté ; les paysannes y sont en général moins bien douées par la nature que les grandes dames. Xenie était belle comme une reine, et elle avait la fraîcheur d’une villageoise.

Elle partageait ses cheveux en bandeaux sur un