Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/267

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d’elle-même les plus nobles poses, mais le jeune homme la tenait presque toujours abaissée vers la poitrine. Un secret abattement moral se peignait sur ce beau visage. Avec un profil grec, des yeux bleus de faïence, mais scintillants de jeunesse et d’esprit naturel, avec une bouche dédaigneuse formée sur le type même des médailles antiques et surmontée d’une petite moustache dorée, luisante comme la soie dans sa teinte naturelle, avec une jeune barbe de couleur pareille, courte, frisée, soyeuse, épaisse déjà quoi qu’à peine échappée au duvet de l’enfance ; enfin, avec la force musculaire de l’athlète du cirque jointe à l’agilité du matador espagnol et au teint brillant de l’homme du Nord : c’est-à-dire comblé de tous les dons extérieurs qui rendraient un homme fier et assuré, Fedor, humilié par une éducation supérieure au rang qu’il occupait dans son pays… et peut-être par l’instinct de sa dignité naturelle, qui contrastait avec son abjecte condition, se tenait presque toujours dans l’attitude d’un condamné qui va subir sa sentence.

Il avait adopté cette pose douloureuse à dix-neuf ans, le jour qu’il souffrit le supplice ordonné par Telenef, sous prétexte que ce jeune homme, le frère de lait de sa fille, et jusqu’alors son favori, son enfant gâté, avait négligé d’obéir à je ne sais quel ordre soi-disant important.

On verra plus loin le vrai et grave motif de cette