Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/292

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ché à sa retraite et apporté de force sur cette place désignée pour son supplice, est garrotté contre un poteau. De toutes parts la foule des vainqueurs, curieuse d’un tel spectacle, afflue au lieu du rendez vous.

La troupe, qui venait d’escorter les victimes vivantes, formait cercle autour de sa proie, et elle étalait à la lueur de l’incendie ses dégoûtantes bannières : quels drapeaux, bon Dieu ! c’étaient les dépouilles sanglantes des premières victimes ; elles étaient portées sur des sabres et sur des piques. On voyait des têtes de femme aux chevelures flottantes, des lambeaux de corps sur des fourches, des enfants mutilés, des ossements tout dégouttants…… hideux fantômes qu’on eût dit échappés de l’enfer pour venir assister aux bacchanales des derniers habitants de la terre.

Ce soi-disant triomphe de la liberté était une scène de la fin du monde. Les flammes et les bruits qui sortaient du château, foyer de l’incendie, ressemblaient à l’éruption d’un volcan. La vengeance des peuples est comme la lave qui bouillonne longtemps dans les profondeurs de la terre avant de se faire jour au sommet du mont. Des murmures confus parcourent la foule, mais on ne distingue nulle voix, si ce n’est celle de la victime dont les imprécations réjouissent les bourreaux. Ces inhumains sont, pour la plupart,