Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/302

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Cette femme, qui avait tout perdu sans se plaindre, ne pouvait se consoler de s’éloigner du foyer domestique. On finit par l’emporter et par l’attacher sur la téléga où nous venons de la voir pleurer le nouveau né de son fils chéri.

Ce qu’on aura peine à croire, c’est que les soins, le souffle vivifiant de Xenie, peut-être sa prière, ont rendu la vie à l’enfant que Fedor avait cru perdu. Ce miracle de tendresse ou de piété la fait vénérer aujourd’hui comme une sainte, par les étrangers envoyés du Nord pour repeupler les ruines abandonnées de Vologda.

Ceux mêmes qui la croient folle n’oseraient lui enlever l’enfant de son frère ; nul ne pense à lui disputer cette proie si précieusement ravie à la mort. Ce miracle de l’amour consolera le père exilé, dont le cœur s’ouvrira encore au bonheur, quand il saura que son fils a été sauvé, et sauvé par elle !  !…

Une chèvre la suit pour nourrir l’enfant. Quelquefois on voit la vierge mère, vivant tableau, assise au soleil sur les noirs débris du château où elle est née et souriant fraternellement au fils de son âme, à l’enfant de l’exilé.

Elle berce le petit sur ses genoux avec une grâce toute virginale, et le ressuscité lui rend son ineffable sourire avec une joie angélique. Sans se douter de la vie, elle a passé de la charité à l’amour, de l’amour