Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/318

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chie où il suffit d’entrer pour acquérir la noblesse héréditaire. Pierre le Grand, que j’appellerais plus volontiers Pierre le Fort, devançant de plus d’un demi-siècle les révolutions modernes, a écrasé la féodalité par ce moyen. Moins puissante à la vérité chez lui qu’elle ne l’était chez nous, elle a succombé sous l’institution moitié civile, moitié militaire, qui a fait la Russie actuelle. Il était doué d’un esprit lucide, et néanmoins de courte portée. Aussi, en élevant son pouvoir sur tant de ruines, n’a-t-il su profiter de la force exorbitante qu’il accaparait que pour singer plus à son aise la civilisation de l’Europe.

Avec les moyens d’action usurpés par ce prince, un esprit créateur eût opéré bien d’autres miracles. Mais la nation russe, montée après toutes les autres sur la grande scène du monde, a eu pour génie l’imitation, et pour organe un élève charpentier ! Avec un chef moins minutieux, moins attaché aux détails, cette nation eût fait parler d’elle, plus tard, il est vrai, mais d’une manière plus glorieuse. Son pouvoir, fondé sur des nécessités intérieures, eût été utile au monde ; il n’est qu’étonnant.

Les successeurs de ce législateur en sayon ont joint pendant cent ans l’ambition de subjuguer leurs voisins à la faiblesse de les copier. Aujourd’hui l’Empereur Nicolas croit enfin le temps venu où la Russie n’a plus besoin d’aller prendre ses modèles chez les étrangers