Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/325

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diminuer la barbarie de l’Asie. Il me semble qu’elle est principalement destinée à châtier la mauvaise civilisation de l’Europe par une nouvelle invasion ; l’éternelle tyrannie orientale nous menace incessamment et nous la subirons si nos extravagances et nos iniquités nous rendent dignes d’un tel châtiment. Les Russes n’ont rien à nous enseigner, dit-on ; soit. Mais ils ont beaucoup à nous faire oublier ; d’ailleurs, ne savent-ils pas mieux que nous obéir et patienter ? En politique la résignation du peuple fait la puissance du gouvernement.

Vous n’attendez pas de moi un voyage complet ; je néglige de vous parler de bien des choses célèbres ou intéressantes, parce qu’elles n’ont fait que peu d’impression sur moi : je veux rester libre, et ne décrire que ce qui me frappe vivement. Les nomenclatures obligées me dégoûteraient des voyages : il y a bien assez de catalogues sans que j’ajoute mes listes à tant de chiffres.

On ne peut rien voir ici sans cérémonie et sans préparation. Aller quelque part que ce soit, quand l’envie vous prend d’y aller, c’est chose impossible ; s’il faut prévoir quatre jours d’avance où vous portera votre fantaisie, autant n’avoir point de fantaisie : c’est à quoi l’on finit par se résigner en vivant ici. L’hospitalité russe, hérissée de formalités, rend la vie difficile aux étrangers les plus favorisés ; c’est un