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LETTRE VINGTIÈME.


Pétersbourg, ce 2 août 1839.

Le jour de la fête de Péterhoff, j’avais demandé au ministre de la guerre comment je devais m’y prendre pour obtenir la permission de voir la forteresse de Schlusselbourg.

Ce grave personnage est le comte Tchernicheff : l’aide de camp brillant, l’élégant envoyé d’Alexandre à la cour de Napoléon est devenu un homme sérieux, important et l’un des ministres les plus occupés de l’Empire : il ne se passe pas de matinée qu’il ne travaille avec l’Empereur. Il me répondit : « Je ferai part de votre désir à Sa Majesté. » Ce ton de prudence, mêlé de quelque surprise, me fit trouver la réponse significative. Ma demande, quelque simple qu’elle m’eût paru, avait de l’importance aux yeux d’un ministre. Penser à visiter une forteresse devenue historique depuis la détention et la mort d’Ivan VI, arrivée sous le règne de l’Impératrice Élisabeth : c’était d’une hardiesse énorme !… je reconnus que j’avais touché sans m’en douter une corde sensible, et je me tus.

À quelques jours de là, c’est-à-dire avant-hier, au moment où je me préparais à partir pour Moscou,