Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/363

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l’amour-propre s’accorde avec la réflexion et avec mes souvenirs pour me persuader que je cours ici quelques dangers.

Si j’appuie sur ces inquiétudes, c’est parce qu’elles vous peignent le pays. Supposez que mes craintes soient des visions, ce sont au moins des visions qui ne pourraient me troubler l’esprit qu’à Pétersbourg et à Maroc : voilà ce que je veux constater. Toutefois mes appréhensions se dissipent dès qu’il faut agir ; les fantômes d’une nuit d’insomnie ne me suivent pas sur le grand chemin. Téméraire dans l’action, je ne suis pusillanime que dans la réflexion ; il m’est plus difficile de penser que d’agir énergiquement. Le mouvement me rend autant d’audace que l’immobilité m’inspirait de défiance.

Hier, à cinq heures du matin, je suis parti dans une calèche attelée de quatre chevaux de front ; dès qu’on fait une course à la campagne ou un voyage en poste, les cochers russes adoptent cet attelage antique qu’ils mènent avec adresse et témérité.

Mon feldjæger s’est placé devant moi sur le siége, à côté du cocher, et nous avons traversé Pétersbourg très-rapidement, laissant derrière nous le quartier élégant, puis, le quartier des manufactures, où se trouvent entre autres celle des glaces qui est magnifique, puis d’immenses filatures de coton, ainsi que bien d’autres usines pour la plupart dirigées par des An-