Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/382

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veilles que j’étais contraint de passer en revue pour répondre à la grâce qu’on croyait me faire, je revins au premier motif de mon voyage, et déguisant mon but pour le mieux atteindre, je demandai à voir la source de la Néva. Ce désir, dont l’insidieuse innocence ne put dissimuler l’indiscrétion, fut d’abord éludé par mon ingénieur qui me répondit : « Elle surgit sous l’eau à la sortie du lac Ladoga, au fond du canal qui sépare ce lac de l’île où s’élève la forteresse. »

Je le savais.

« C’est une des curiosités naturelles de la Russie, repris-je. N’y aurait-il pas moyen d’aller visiter cette source ?

— Le vent est trop fort ; nous ne pourrons apercevoir les bouillonnements de la source ; il faudrait un temps calme pour que l’œil pût distinguer une gerbe d’eau qui s’élance au fond des vagues ; cependant je vais faire ce que je pourrai afin de satisfaire votre curiosité. »

À ces mots, l’ingénieur fit avancer un fort joli bateau conduit par six rameurs élégamment habillés, et nous partîmes soi-disant pour aller voir la source de la Néva, mais réellement pour nous approcher des murs du château fort, ou plutôt de la prison enchantée dont on me refusait l’accès avec la plus habile politesse : mais les difficultés ne faisaient qu’ex-