Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/385

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— N’importe, tout est curieux dans un pays aussi intéressant que le vôtre.

— Mais, si le commandant ne nous attend pas, on ne nous laissera pas entrer.

— Vous lui ferez demander la permission d’introduire un voyageur dans la forteresse ; d’ailleurs, je crois qu’il nous attend.

En effet, on nous admit sur le premier message de l’ingénieur, ce qui me fit supposer que ma visite avait été sinon annoncée comme certaine, au moins indiquée comme probable.

Reçus avec le cérémonial militaire, nous fûmes conduits sous une voûte à travers une porte assez mal défendue, et, après avoir traversé une cour où l’herbe croît, on nous introduisit dans… la prison ?… point du tout, dans l’appartement du commandant. Il ne sait pas un mot de français, mais il m’accueillit avec honnêteté ; affectant de prendre ma visite pour une politesse dont lui seul était l’objet, il me faisait traduire par l’ingénieur les remercîments qu’il ne pouvait m’exprimer lui-même. Ces compliments astucieux me paraissaient plus curieux que satisfaisants. Il fallut faire salon et avoir l’air de causer avec la femme du commandant, qui, elle non plus, ne parlait guère le français ; il fallut prendre du chocolat, enfin s’occuper à toute autre chose qu’à visiter la prison d’Ivan, ce prix fabuleux de toutes les peines,