Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/396

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« C’est ce dont je me plains, répliquai-je ; si je savais estropier le russe comme je le devrais, je ne vous forcerais pas à changer vos habitudes pour parler ma langue.

— Autrefois nous ne parlions que français.

— C’était un tort.

— Ce n’est pas à vous de nous le reprocher.

— Je suis vrai avant tout.

— La vérité est donc encore bonne à quelque chose en France ?

— Je l’ignore ; mais ce que je sais, c’est qu’on doit aimer la vérité sans calcul.

— Cet amour-là n’est plus de notre siècle.

— En Russie ?

— Nulle part, ni surtout dans un pays gouverné par les journaux. »

J’étais de l’avis de la dame ; ce qui me donna le désir de changer de conversation, car je ne voulais ni parler contre mon opinion, ni acquiescer à celle d’une personne qui, même lorsqu’elle pensait comme moi, exprimait sa manière de voir avec une âpreté capable de me dégoûter de la mienne. Je ne dois pas oublier de noter que cette disposition hostile, espèce de bouclier opposé d’avance à la moquerie française, était déguisée sous un son de voix flûté, factice, et d’une douceur extrêmement désagréable.

Un incident vint fort à propos faire diversion à