Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/81

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Tant de péristyles ont été ajoutés aux maisons, tant de portiques ornent les casernes qui représentent des palais, un tel luxe de décorations d’emprunt a présidé à la construction de cette capitale provisoire, que je compte moins d’hommes que de colonnes sur les places de Pétersbourg, toujours silencieuses et tristes, à cause de leur grandeur et surtout de leur imperturbable régularité. L’équerre et le cordeau s’accordent si bien avec la manière de voir des souverains absolus, que les angles droits sont un des attributs de l’architecture despotique. L’architecture vivante, passez-moi l’expression, ne se commande pas ; elle naît pour ainsi dire d’elle-même, et sort comme involontairement du génie et des besoins d’un peuple. Faire une grande nation, c’est créer immanquablement une architecture : je ne serais pas étonné si l’on venait à prouver qu’il y a eu autant d’architectures originales que de langues mères.

Au reste, la manie de la symétrie n’est pas particulière aux Russes. C’est chez nous un héritage de l’Empire. Sans ce mauvais goût des architectes parisiens, il y a longtemps que nous aurions un plan raisonnable pour orner et terminer notre monstrueuse place du Carrousel ; mais la nécessité des parallèles arrête tout.

Lorsque des artistes de génie réunirent successivement leurs efforts pour faire de la place du Grand--