Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/84

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encore séparées par des dalles ; ces dernières terrasses sont de pierre et servent de trottoirs aux piétons. Ces beaux promenoirs diffèrent beaucoup des misérables trottoirs en planches qui déshonorent encore aujourd’hui quelques-unes des rues écartées. Il y a donc quatre lignes de dalles dans cette belle et vaste Perspective qui s’étend, tout en se dépeuplant insensiblement, en s’enlaidissant et en s’attristant graduellement, jusqu’aux limites indéterminées de la ville habitable, c’est-à-dire jusque vers les confins de la barbarie asiatique dont Pétersbourg est toujours assiégé, car on retrouve le désert à l’extrémité de ses rues les plus somptueuses. Un peu au delà du pont d’Aniskoff, vous rencontrez une rue qu’on appelle la rue Telejnaïa, laquelle conduit à un désert nommé la place d’Alexandre. Je doute que l’Empereur Nicolas ait jamais vu cette rue. La superbe ville créée par Pierre le Grand, embellie par Catherine II, tirée au cordeau par tous les autres souverains, à travers une lande spongieuse et presque toujours submergée, se perd enfin dans un horrible mélange d’échoppes et d’ateliers, amas confus d’édifices sans nom, vastes places sans dessin, et que le désordre naturel et la saleté innée du peuple de ce pays laissent depuis cent ans s’encombrer de débris de toutes choses, d’immondices de tous genres. Ces ordures s’entassent d’année en année dans les villes russes pour