Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/20

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Dieu ne sait pas peindre comme nous. C’était beau… peu de mouvement, mais un calme solennel, un vague inspirateur. Tous les bruits, toutes les agitations de la vie ordinaire étaient interrompus ; les hommes avaient disparu, la terre restait livrée aux puissances surnaturelles : il y a dans ces restes d’un jour indéfiniment prolongé, dans ces inégales et mourantes clartés des nuits boréales des mystères que je ne saurais définir et qui expliquent la mythologie du Nord. Je comprends aujourd’hui toutes les superstitions des Scandinaves. Dieu se cache dans la lumière du pôle comme il se révèle dans le jour éclatant des tropiques. Tous les lieux, tous les climats sont beaux aux yeux du sage qui ne veut voir dans la création que le Créateur.

En quelque coin du monde que l’inquiétude de mon cœur me fasse porter mes pas, c’est toujours le même Dieu que j’admire, toujours la même voix que j’interroge. Partout où l’homme abaisse son regard religieux, il reconnaît que la nature est le corps dont Dieu est l’âme.

Vous vous rappelez la ballade de Coleridge, où le matelot anglais voit le spectre d’un vaisseau glisser sur la mer : c’est à quoi je songeais tout à l’heure devant le spectre d’une ville endormie. Ces prestiges nocturnes sont pour les habitants des régions polaires, ce qu’est la Fata Morgana en plein jour pour les