Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/396

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Les femmes qui faisaient les parties de dessus dans les chœurs des bohémiens ont des physionomies orientales ; leurs yeux sont d’un éclat et d’une vivacité extraordinaires. Les plus jeunes m’ont paru charmantes ; les autres, avec leurs rides déjà profondes quoique prématurées, leur teint de bistre, leurs cheveux noirs, pourraient servir de modèles à des peintres. Elles expriment dans leurs diverses mélodies plusieurs sentiments ; elles peignent surtout admirablement la colère. On me dit que la troupe de chanteurs bohémiens que je vais trouver à Nijni est la plus distinguée de la Russie. En attendant que je puisse rendre justice à ces virtuoses ambulants, je dois dire que ceux de Moscou m’ont fait grand plaisir, surtout lorsqu’ils chantaient en chœur des morceaux dont l’harmonie m’a paru savante et compliquée.

J’ai trouvé l’opéra national un détestable spectacle représenté dans une belle salle ; c’était le Dieu et la Bayadère, traduit en russe !… À quoi bon employer la langue du pays pour ne nous donner qu’un libretto de Paris défiguré !

Il y a aussi à Moscou un spectacle français où M. Hervet, dont la mère avait un nom connu à Paris, joue les rôles de Bouffé fort naturellement. J’ai vu Michel Perrin rendu par cet acteur avec une simplicité et une rondeur qui m’a fait grand plaisir, mal-