Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/41

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faire parvenir aucun argent ; mais leurs parents ont la permission de leur envoyer des denrées : ils reçoivent ainsi des vêtements et des vivres… des vivres !… Il est peu d’aliments qui puissent traverser ces distances fabuleuses sous un tel climat sans se détériorer. Mais quelles que soient les privations, les souffrances des condamnés, les vrais patriotes approuvent sans restriction le bagne politique d’invention russe. Ces courtisans des bourreaux trouvent toujours la peine trop douce pour le crime.

Au 18 fructidor, les républicains français ont usé du même moyen : l’un des cinq directeurs, Barthélemy, fut déporté à Cayenne, ainsi qu’un nombre considérable de personnes accusées et convaincues de n’avoir pas adopté avec assez d’enthousiasme les idées philanthropiques du parti de la majorité ; mais au moins ces malheureux furent exilés sans être dégradés, on les traitait en citoyens quoiqu’en ennemis vaincus. La République les envoyait mourir dans des pays où l’air empoisonne les Européens, mais en les tuant pour se débarrasser d’eux, elle n’en faisait pas des parias.

Quoi qu’il en soit des délices de la Sibérie, la santé de la princesse Troubetzkoï est altérée par son séjour aux mines : on a peine à comprendre qu’une femme habituée au luxe du grand monde dans un pays voluptueux, ait pu supporter si longtemps les priva-