Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/63

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sans prendre l’instrument que je lui présente, sans regarder l’animal : « C’est bien inutile, nous sommes au relais.

Là-dessus, au lieu d’aider le malheureux postillon à dégager l’animal, il entre dans l’écurie voisine pour nous faire préparer un autre attelage.

Les Russes sont encore loin d’avoir, comme les Anglais, une loi pour protéger les animaux contre les mauvais traitements des hommes ; chez eux au contraire les hommes auraient besoin qu’on plaidât leur cause comme on plaide à Londres pour les chiens et les chevaux. Mon feldjæger ne croirait pas à l’existence d’une telle loi.

Cet homme, Livonien d’origine, parle allemand, heureusement pour moi. Sous les dehors d’une politesse officielle, à travers un langage obséquieux, on lui lit dans la pensée beaucoup d’insolence et d’obstination. Sa taille est grêle, ses cheveux d’un blond de filasse donnent à ses traits un air enfantin que dément l’expression dure de sa physionomie et surtout de ses yeux, dont le regard est faux et cruel ; ils sont gris, bordés de cils presque blancs ; son front est bombé, mais bas ; ses épais sourcils sont d’un blond fade ; son visage est sec ; sa peau serait blanche, mais elle est tannée par l’action habituelle de l’air ; sa bouche fine, toujours serrée au repos, est bordée de lèvres si minces, qu’on ne les entrevoit que lors-