Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/279

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de l’infortuné dont je partageais le supplice en m’efforçant de le faire cesser.

Insister pour pénétrer dans la prison, c’eût été une démarche dangereuse autant qu’inutile. Après de longues et douloureuses incertitudes, je m’arrêtai à une autre pensée ; j’avais fait connaissance avec quelques personnes prépondérantes à Moscou ; et bien que, dès l’avant-veille, j’eusse pris congé de tout le monde, je résolus de tenter une confidence auprès d’un des hommes qui m’avait inspiré le plus de confiance.

Non-seulement je dois éviter ici de le nommer, mais je ne puis parler de lui que de manière à ne le point désigner.

Quand il me vit entrer dans sa chambre, il savait déjà ce qui m’amenait ; et sans me laisser le temps de m’expliquer, il me dit que par un hasard singulier il connaissait personnellement M. Pernet, qu’il le croyait innocent, d’où il suit que son affaire lui paraissait inexplicable ; mais qu’il était sûr que des considérations politiques pouvaient seules motiver un tel emprisonnement, parce que la police russe ne se démasque jamais à moins d’y être forcée ; que sans doute on avait cru l’existence de cet étranger tout à fait ignorée à Moscou ; mais qu’à présent que le coup était porté, les amis ne pourraient que nuire en se montrant, car si l’on venait à penser qu’il eût