Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/310

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et leur lutte, admirée dans le ciel, reste ignorée même de l’Église pour laquelle ils militent généreusement sur la terre, de cette Église, mère de toutes les Églises, et la seule universelle, car elle est la seule qui ne soit pas entachée de localité, qui soit restée libre et qui n’appartienne à aucun pays[1] !!…

Quand le soleil de la publicité se lèvera sur la Russie, ce qu’il éclairera d’injustices non-seulement anciennes, mais de chaque jour, fera frémir le reste du monde. On ne frémira pas assez, car tel est le sort de la vérité sur la terre : tant que les peuples ont le plus grand intérêt à la connaître, ils l’ignorent, et lorsqu’ils l’apprennent, elle ne leur importe déjà plus guère. Les abus d’un pouvoir renversé n’excitent que de froides exclamations ; ceux qui les relatent passent pour des acharnés qui battent l’ennemi à terre, tandis que d’un autre côté les excès de ce pouvoir inique demeurent soigneusement cachés tant qu’il est debout, car avant tout il emploie sa force à étouffer les plaintes de ses victimes ; il extermine, il anéantit, mais il se garde d’irriter, et il s’applaudit encore de sa mansuétude, parce qu’il ne se permet que les cruautés indispensables. Néanmoins, c’est à tort qu’il vante sa douceur : lorsque la prison

  1. Il a fallu trois ans pour faire arriver jusqu’à Rome le cri de quelques-uns de ces infortunés.