Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/113

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malgré son âge et son état, il crut de son devoir de concourir à la défense de ceux qu'il servait, et ce ne fut que lorsque la famille royale se fut rendue à l'Assemblée nationale, qu'il se retira dans une pièce qui lui était accordée dans le pavillon de Flore. Il ne tarda pas à entendre les cris de la fureur et ceux du désespoir. Sa porte est bientôt forcée ; la multitude se précipite dans sa chambre, l'entoure, le menace : il se croit déjà leur victime ; il se prépare à la mort, lorsqu'un inconnu sans armes l'apostrophe d'une voix dure, et, le prenant par le bras, lui ordonne de le suivre. Mais le combat dure encore, s'écria-t-il ! Ce n'est pas le moment de craindre les balles, est tout ce qu'on lui répond, et il est entraîné avec rapidité au travers des tas de morts, de mourants et du feu des deux partis. À son grand étonnement, son conducteur et lui n'éprouvent aucun obstacle dans leur marche, et ils parviennent sains et sauts de l'autre coté de la rivière. Là, cet homme, après avoir réfléchi un instant, dit : La bataille est gagnée, je n'y suis plus nécessaire ; je vais vous accompagner jusqu'à votre demeure, et il l'accompagna, en effet, jusqu'au Luxembourg, où Lemonnier avait son logement. Pendant le chemin, il lui apprit qu'il était un ancien militaire, engagé par ses opinions politiques à diriger une partie de l'attaque, et qui, frappe de son air vénérable, avait conçu pour lui un intérêt subit et s'était déterminé à lui sauver la vie.

La plupart des événements tragiques de la révolution présentent des traits pareils de générosité, qu'il vaudrait peut-être mieux conserver à la mémoire que tant