Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/152

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peaux plus petits, conduits chacun par un berger d'un ordre inférieur ; ceux-ci obéissent à un chef commun nommé mayoral. Des boulangers, des valets de toute espèce marchent à la suite ; on avance en colonnes et à petites journées. Ce n'est qu'à l'époque de la tonte que les troupeaux se rassemblent, et que leurs propriétaires viennent en faire la revue ; ce n'est aussi qu'alors qu'on peut acheter avec avantage et choisir sur un grand nombre, tandis que le reste de l'année il faut courir après ces troupeaux errants, et prendre ce qu'on vous présente.

Or, Gilbert fut tellement entravé, qu'il manqua deux ans de suite cette époque favorable. D'abord les propriétaires des troupeaux, soit par une sorte de patriotisme assez raisonnable, soit par la crainte de déplaire à la cour, refusèrent, sous toute sorte de prétextes, de lui rien vendre. Il fallut solliciter des lettres du roi pour les engager à être moins opiniâtres ; et lorsqu'eux-mêmes eurent cédé, il fallut vaincre encore les refus des bergers, qui regrettaient de voir partir les beaux individus de leurs troupeaux.

Ces lenteurs se compliquèrent avec les retards dans les payements qui devaient venir de France. Par une fatalité qui semble attachée à la nature humaine, les peuples achètent l'or à tout prix pour s'entre-détruire, et ne disposent jamais de rien quand il s'agit de se rendre heureux chez eux.

On avait promis à Gilbert de faire arriver avant lui à Madrid toutes les sommes qui avaient été jugées nécessaires, et ce ne fut qu'au bout de plusieurs mois de