Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/299

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sion viagère, attendu, disait-elle, qu'à coup sûr le malheureux ne serait plus appelé pour saigner personne ; et comme la princesse en était quitte à meilleur marché, elle donna encore plus de cours à sa libéralité. Ne pouvant garder M. Lassus dans sa maison, elle lui conserva du moins le titre qui rattachait à elle, et lui donna les fonds nécessaires pour acheter la charge de lieutenant du premier chirurgien du roi à Paris, charge à laquelle était attachée celle d'inspecteur et de trésorier du Collège et de l'Académie de chirurgie, et dont le titulaire jouissait de certaines prérogatives et exerçait une certaine juridiction pour les réceptions des chirurgiens. M. Lassus en fut pourvu en 1779, et deux années après il fut encore revêtu de la charge de professeur des opérations.

C'était sans doute une idée singulière que de mettre en quelque sorte à la tête de la chirurgie de la capitale un homme que l'on n'avait pas trouvé propre à un emploi subalterne de la cour. Mais, parmi toutes les choses bizarres de ce temps-là, celle-ci du moins n'eut pas de suites fâcheuses : M. Lassus, que son accident aurait pu perdre pour toujours, y trouva la principale source de sa fortune et de sa réputation et le public, qui apprécia bientôt son mérite, eut tout lieu d'être satisfait qu'il se fût si bien relevé.

Sa bienfaitrice n'eut pas moins de sujet de s'applaudir ; elle trouva en lui le serviteur le plus dévoué, et, chose bien étrange dans les cours et partout, un serviteur dont le dévouement ne finit point avec la fortune de ses maîtres.