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des nerfs, des membranes et des pertuis de notre chair, elle excite ce chatouillement qu’on appelle « joie ». Il en arrive ainsi de l’ébullition des autres passions, selon que ces petits corps sont jetés plus ou moins violemment sur nous, selon le mouvement qu’ils reçoivent par le rencontre d’autres branles, et selon qu’ils trouvent à remuer chez nous ; c’est quant à l’ouïe,

« La démonstration du toucher n’est pas maintenant plus difficile, en concevant que de toute matière palpable il se fait une émission perpétuelle de petits corps (118), et qu’à mesure que nous la touchons, il s’en évapore davantage, parce que nous les épreignons du sujet même, comme l’eau d’une éponge quand nous la pressons. Les durs viennent faire à l’organe le rapport de leur solidité ; les souples de leur mollesse ; les raboteux, etc. Et qu’ainsi ne soit, nous ne sommes plus si fins à discerner par l’attouchement avec des mains usées de travail, à cause de l’épaisseur du cal, qui pour n’être ni poreux, ni animé, ne transmet que fort malaisément ces fumées de la matière. Quelqu’un désirera d’apprendre où l’organe de toucher tient son siège ? Pour moi je pense qu’il est répandu dans toutes les superficies de la masse, vu qu’il sent dans toutes ses parties. Je m’imagine toutefois que plus nous tâtons par un membre proche de la tête, et plus vite nous distinguons ; ce qui se peut expérimenter quand les yeux clos nous patinons (119) quelque chose, car nous la devinons plus facilement ; et si au contraire nous la tâtions du pied, nous aurions plus de peine à la connoître. Cela provient de ce que notre peau étant partout criblée de petits trous, nos nerfs dont la matière n’est pas plus serrée, perdent en chemin beaucoup de ces petits atomes par les menus pertuis de leur contexture, avant que d’être arrivés jusques au cerveau, qui est le terme de leur voyage. Il me reste à parler de l’odorat et du goût.