Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les personnes qui la virent ; mais aussitôt que j’eus éveillé mes rêveries sur cette circonstance, je m’imaginai tout à l’heure que ces animaux étoient acharnés contre moi à cause du monde d’où je venois ; car, disois-je en moi-mesme, comme ils ont accoutumé d’aboyer à la Lune pour la douleur qu’elle leur fait de si loin, sans doute il se sont voulu jeter dessus moi parce que je sens la Lune, dont l’odeur les fâche. »

Pour me purger de ce mauvais air, je m’exposai tout nu au Soleil, dessus une terrasse. Je m’y hâlé quatre ou cinq heures durant au bout desquelles je descendis, et les chiens, ne sentant plus l’influence qui m’avoit fait leur ennemi, s’en retournèrent chacun chez soi.

Je m’enquis au port quand un vaisseau partiroit pour la France, et lors que je fus embarqué, je n’eus l’esprit tendu qu’à ruminer aux merveilles de mon voyage. J’admirai mille fois la Providence de Dieu qui avoit reculé ces hommes, naturellement impies, en un lieu, où ils ne pussent corrompre ses biens-aimés, et les avoit punis de leur orgueil en les abandonnant à leur propre suffisance. Aussi je ne doute point qu’il n’ait différé jusques ici d’envoyer leur prêcher l’Évangile, parce qu’il savoit qu’ils en abuseroient et que cette résistance ne serviroit qu’à leur faire mériter une plus rude punition en l’Autre Monde.