Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/372

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nombre, pour le punir assez, a devancé il y a déjà vingt ans, par une mort continue, le châtiment des crimes qu’il n’avoit pas commis encore, mais qu’il devoit commettre. Permettez-moi, je vous supplie, de détourner un peu mon discours pour parler à ces rebelles : Peuple séditieux, accourez pour voir un spectacle digne de la Justice de Dieu ! C’est l’épouvantable Scarron, qui vous est donné pour exemple, de la peine que souffriront aux Enfers, les ingrats, les traîtres et les calomniateurs de leurs Princes. Considérez en lui de quelles verges le Ciel châtie la calomnie, la sédition et la médisance ! Venez, Écrivains Burlesques, voir un Hôpital tout entier dans le corps de votre Apollon ! Confessez, en regardant les Écrouelles qui le mangent, qu’il n’est pas seulement le malade de la Reine, comme il se dit, mais encore le malade du Roi. Il meurt chaque jour par quelque membre, et sa langue reste la dernière, afin que ses cris vous apprennent la douleur qu’il ressent. Vous le voyez, ce n’est point un conte à plaisir ; depuis que je vous parle, il a peut-être perdu le nez ou le menton : Un tel spectacle ne vous excite-t-il point à pénitence ? Admirez, endurcis, admirez les secrets jugements du Très-haut ; écoutez d’une oreille de contrition cette parlante momie : elle se plaint qu’elle n’est pas assez d’une, pour suffire à l’espace de toutes les peines qu’elle endure. Il n’est pas jusqu’aux Bienheureux, qui en punition de son impiété et de son sacrilège, n’enseignent à la Nature de nouvelles infirmités pour l’accabler : déjà par leur ministère, il est accablé du mal de saint-Roch, de saint-Fiacre, de saint-Cloud, de sainte-Reine (323) ; et afin que nous comprissions par un seul mot tous les ennemis qu’il a dans le Ciel, le Ciel lui-même, a ordonné qu’il seroit malade de Saint. Admirez donc, admirez, combien sont grands et profonds les secrets de la Providence ! Elle connoissoit l’ingratitude