Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais non, je m’en dédis, l’inconstante Fortune
Semble avoir trop d’empire en celui, de la Lune,
Son pouvoir n’y paroît que pour tout renverser.

Peut-être verrois-tu dans ces demeures mornes
Dès le premier instant ton État s’éclipser
Et du moins chaque mois en rétrécir les bornes ?

La sincérité de Jean Royer ou son absence de Paris pendant l’impression de ses tragédies explique pourquoi Cyrano n’a célébré ni la Victime d’État, ni Annibal. Bien que leur achevé d’imprimer porte la date de fin septembre 1649, elles étaient condamnées à rester une année encore dans les magasins de l’éditeur.

Jamais la situation n’avait paru plus favorable à Cyrano pour l’Autre Monde. L’anarchie battait son plein dans la capitale, la liberté d’insulter, de diffamer, était absolue, mais la médaille avait son revers : la clientèle ordinaire des libraires s’intéressant à la seule politique, ignorait les nouveautés littéraires. De bons esprits — ils étaient nombreux — estimaient qu’un jour ou l’autre, le calme revenu, l’autorité pourrait s’émouvoir des critiques dont la royauté et la religion avaient été l’objet. Une preuve du manque d’assurance de Cyrano sur l’innocuité de l’Autre Monde se déduit de la réserve qu’il semble s’être imposée vis-à-vis de Le Bret, Dassoucy, Chapelle et Tristan L’Hermite, à moins que ceux-ci, effrayés comme Royer de sa témérité, aient décliné l’honneur de célébrer l’œuvre capitale de leur ami !

Cette déconvenue agite sa bile. Les couplets féroces de Blot, du chevalier de Rivière, vilipendant la reine, réclamant la tête du cardinal, se moquant de la Bible, du pape, de toutes les religions se transmettaient de bouche en bouche, les imiter était un jeu pour Cyrano. Il ne s’est pas fait faute de fronder sous cette forme, mais où