Page:D'Isle - Les naufrages célèbres depuis 1700 jusqu'à nos jours, 1858.djvu/25

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premier soin, en mettant pied à terre, fut de remercier le Ciel de la faveur qu'il nous accordait; nous nous précipitions sur cette plage tant désirée, et, dans le transport de joie, chacun de nous s'y roulait sur le sable. Notre aspect était horrible, nos figures ne conservaient encore quelque chose d'humain que pour annoncer plus sensiblement nos malheurs. Les uns étaient tout nus, les autres n'avaient que des chemises pourries et en lambeaux; j'avais pris une ceinture d'écarlate pour paraître à la tête de mes compagnons.

Nous fûmes reçus par tous les Portugais qui nous virent, avec les sentiments de la plus touchante humanité. Arrivés à Paraïbo, le gouverneur de cette place nous accueillit comme des frères échappés aux plus grands périls. Nous voulions nous rendre promptement à Fernambouc, pour profiter de l'occasion d'une flotte portugaise qui devais incessamment faire voile pour l'Europe. Après quatre jours de marche, moi sur un cheval qu'on m'avait prêté, à cause que j'avais les pieds déchirés, nous entrâmes dans la ville de Fernambouc. Le général de la flotte, don Juan d'Acosta de Brito, nous combla de politesses et de bontés. Me voyant nu, il me donna un habillement complet. Le général de terre, don Joseph Corréa, ne déploya pas moins d'humanité à notre égard. Il me fit l'honneur de m'admettre à sa table, me fit faire aussi un habit complet, et me donna une épée. Quatre jours après il m'honora d'une visite, et répandit ses libéralités sur mon équipage, auquel il fit présent de dix pièces d'or, que je fis distribuer proportionnellement au rang de chacun.