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Mais reprenons la Comédie de la mort : nous allons voir éclore, pour ainsi dire, quelques-uns des thèmes dont Baudelaire devait tirer ses plus pathétiques accents. C’est, par exemple, l’idée que peut-être la mort ne donne ni l’inconscience ni l’oubli, que ni le rêve ni le désir ne s’arrêtent avec le dernier battement de notre cœur, mais que, lucides et impuissants, les morts, secrets témoins du drame de la vie, poussent encore vers lui l’appel de leur désespoir.

Peut-être, aux passions qui nous brûlaient émue,
La cendre de nos cœurs vibre encore et remue
            Par delà le tombeau
Et qu’un ressouvenir de ce monde dans l’autre.
D’une vie autrefois enlacée à la nôtre
            Traîne quelque lambeau…
Peut-être n’a-t-on pas sommeil et quand la pluie
Filtre jusques à vous, l’on a froid, l’on s’ennuie
            Dans sa fosse, tout seul…


Et nous avons déjà l’esquisse du Remords Posthume de la Servante au grand cœur, du Revenant

La Servante au grand cœur offre un exemple particulier de l’influence d’un poète sur un autre poète : a la persistance presque inconsciente de certains mots. Gautier avait dit le tourment du cadavre, impuissant témoin des infidélités de sa maîtresse et qui souffre

De ne pouvoir venir quelque nuit de décembre
            … se tapir dans sa chambre…